XV. QUI ENTRE, QUI RESTE, QUI VOTE

Qui peut entrer ? Qui peut rester ? Qui peut voter ? Ces questions sont fondamentales, surtout dans un système où le vote est lié à la contribution.

15.1 — L’immigration contingentée relève du Parlement (censitaire)

Les quotas d’immigration : combien de personnes peuvent entrer chaque année. C’est une question d’impact économique et budgétaire – infrastructures, services, marché du travail.

Les critères économiques d’entrée : immigration de travail, investisseurs, regroupement familial avec conditions de ressources. Ceux qui paient décident qui peut venir contribuer.

Le veto du Sénat. Cependant, le Sénat conserve un droit de veto sur les politiques d’immigration, pour sauvegarder l’identité nationale ou imposer des conditions sociétales (maîtrise de la langue, respect des valeurs fondamentales, etc.).

L’immigré contingent entre directement sur le marché du travail ou dans une collectivité autonome (structures de réinsertion auto-financées). Aucune aide spécifique, aucun avantage particulier. Il est traité exactement comme un citoyen dans la même situation.

15.2 — Le droit d’asile relève du Sénat (égalitaire)

Le droit d’asile est constitutionnalisé (modification aux 4/5 de chaque chambre). C’est une question de dignité humaine – protéger quelqu’un dont la vie est menacée est un droit fondamental.

Les procédures sont strictes et bétonnées : critères précis, délais encadrés, pas d’extension à l’infini. Le droit d’asile n’est pas une immigration déguisée.

Le demandeur d’asile entre soit sur le marché du travail, soit dans une collectivité autonome (structures de réinsertion auto-financées). S’il refuse l’un et l’autre, il est déchu du droit d’asile. Pas d’exception.

Aucune aide spécifique, aucun avantage particulier. Le demandeur d’asile est traité exactement comme un citoyen dans la même situation. Le système est donc budgétairement neutre – c’est pourquoi le Sénat est seul compétent, sans veto possible du Parlement.

15.3 — La naturalisation et la déchéance relèvent du Sénat

La naturalisation : devenir citoyen, c’est acquérir des droits civiques. Le Sénat définit les conditions – durée de résidence, contribution fiscale, absence de casier judiciaire, maîtrise de la langue.

La déchéance de nationalité : retirer la citoyenneté est une atteinte grave à un droit fondamental. Le Sénat seul peut le faire, dans des cas exceptionnels (terrorisme, trahison), avec des garanties procédurales strictes.

15.4 — La cohérence avec le vote censitaire

Le vote est réservé aux citoyens. Un résident, même s’il contribue fiscalement, ne vote pas avant sa naturalisation. Le droit de vote n’est pas un supermarché où l’on entre en payant. La naturalisation est le seuil d’entrée dans la communauté politique – elle donne accès au vote censitaire (au Parlement), au vote égalitaire (au Sénat), et aux fonctions électives.

Parcours de l’immigration à la citoyenneté Parcours de l’immigration à la citoyenneté


15.5 — Étude de cas : Le système Express Entry canadien (1967/2015-présent)

Le Canada a été le pionnier mondial de l’immigration à points, avec un système introduit en 1967 et modernisé en 2015 sous le nom d’Express Entry [58][59]. Ce système sélectionne les immigrants économiques selon des critères objectifs et mesurables, sans quotas par nationalité.

Ce qui a fonctionné

Sélection objective. Le Comprehensive Ranking System (CRS) attribue des points selon l’âge, l’éducation, l’expérience professionnelle, les compétences linguistiques (anglais/français), et les offres d’emploi au Canada [58]. Maximum 1200 points. Pas de jugement subjectif, pas de discrimination par origine.

Flexibilité des quotas. Le gouvernement ajuste le score de coupure selon les besoins économiques. En période de pénurie de main-d’œuvre, le seuil baisse. En période de surplus, il monte. Adaptation rapide à la conjoncture [59].

Rapidité de traitement. Express Entry traite 80% des demandes en moins de 6 mois, contre des années dans d’autres pays. L’efficacité administrative attire les talents qui ont d’autres options.

Intégration économique réussie. Les immigrants sélectionnés par points ont des taux d’emploi et des revenus supérieurs aux autres catégories d’immigration [58]. Le système sélectionne ceux qui contribueront.

Attractivité internationale. Le Canada est régulièrement classé parmi les destinations préférées des migrants qualifiés. Le système à points y contribue : il est perçu comme juste et transparent.

Ce qui pose problème

Concentration sectorielle. Le système favorise certains profils (IT, santé, ingénierie) au détriment d’autres secteurs en pénurie (artisanat, agriculture). Les points ne captent pas tous les besoins économiques [59].

Déqualification. Malgré des diplômes élevés, certains immigrants n’exercent pas dans leur domaine (médecins devenus chauffeurs). Les ordres professionnels canadiens ne reconnaissent pas toujours les qualifications étrangères.

Dépendance au marché du travail. Les points d’offre d’emploi favorisent les grandes entreprises capables de naviguer le système LMIA. Les PME peinent à recruter à l’étranger.

Pas de filtre culturel. Le système est purement économique. Il ne mesure pas l’adhésion aux valeurs, la volonté d’intégration, ou la maîtrise des codes sociaux.

File d’attente invisible. Des candidats avec d’excellents scores peuvent attendre des années si leur profil est commun. Le système est compétitif, pas premier arrivé premier servi.

Ce qu’on garde du modèle canadien

  • Le principe de sélection à points : critères objectifs et mesurables
  • La flexibilité des quotas : adaptation à la conjoncture économique
  • L’efficacité administrative : traitement rapide des demandes
  • La transparence : chaque candidat connaît son score et ses chances

Ce qu’on améliore

  • Veto du Sénat sur les critères culturels : notre système permet au Sénat d’imposer des conditions sociétales (langue, valeurs) que le système canadien n’intègre pas
  • Intégration par les Collectivités Autonomes : l’immigrant qui n’a pas d’emploi immédiat entre en CA, pas dans l’assistance publique
  • Pas de déqualification par le système : l’immigrant entre sur le marché du travail réel, pas dans un purgatoire administratif de reconnaissance des diplômes

Ce qu’on ne reprend pas

  • L’absence de filtre culturel : notre Sénat peut imposer des critères d’intégration
  • La centralisation fédérale : notre système peut décliner les quotas par région selon les besoins locaux
  • La complexité du LMIA : notre système simplifie le recrutement étranger pour les entreprises