II. VUE D'ENSEMBLE

Ce chapitre résume l’ensemble du système. Chaque section renvoie au chapitre correspondant pour les détails.

2.1 — L’État (III)

L’État doit se limiter à ce que lui seul peut faire : le régalien (justice, police, armée, diplomatie), les urgences vitales, la recherche fondamentale dont le retour sur investissement dépasse l’horizon du marché, et les cas extrêmes que les assurances privées ne peuvent couvrir. Tout le reste relève du secteur privé. Les marchés publics sont encadrés par des règles strictes de transparence et, au-delà d’un certain seuil, soumis à référendum.

2.2 — L’argent public (IV)

Comment empêcher l’État de s’étendre indéfiniment ? Par des règles budgétaires inscrites dans la constitution et verrouillées aux 4/5 de chaque chambre. Excédent obligatoire chaque année, qui alimente un fonds de réserve pour les crises futures — plafonné pour éviter la thésaurisation, avec retour automatique aux contribuables de ce qui n’est pas utilisé. Plafond de prélèvements infranchissable. Interdiction de déléguer des charges au privé pour contourner ce plafond. Si le budget dérape sous le seuil d’excédent (hors crise), des élections sont automatiquement déclenchées. Ces règles ne sont pas des vœux pieux — elles sont quasi-intangibles.

2.3 — La monnaie (V)

L’État ne doit plus avoir le monopole de la monnaie. La concurrence monétaire — or, cryptomonnaies, monnaies privées ou étrangères — discipline les gouvernements : s’ils dévaluent, les citoyens fuient vers des monnaies plus stables. Le marché sanctionne l’irresponsabilité monétaire plus vite que n’importe quelle institution.

2.4 — Se protéger sans l’État-providence (VI)

La protection sociale n’a pas besoin de l’État pour fonctionner. Des assurances privées obligatoires — santé, chômage, éducation, retraite — couvrent les risques de la vie. La concurrence joue sur l’efficacité, pas sur la sélection des clients : un mécanisme de mutualisation empêche les assureurs d’écarter les profils coûteux. Les socles minimaux sont constitutionnalisés pour éviter leur gonflement perpétuel. L’État n’intervient que pour les cas extrêmes que le marché ne peut absorber.

Les retraites passent de la répartition à la capitalisation. Le système actuel — où les actifs paient pour les retraités — est une pyramide de Ponzi qui s’effondre avec le vieillissement démographique. La transition est techniquement faisable : un différentiel temporaire finance les pensions des retraités actuels pendant 40 ans, puis s’éteint. Les simulations montrent que tous les salaires sont gagnants dès le premier jour grâce à l’abolition des taxes indirectes (voir Appendice F).

2.5 — Les Collectivités Autonomes (VII)

Certaines personnes ne savent pas se gérer seules — par nature, par éducation, ou suite à un accident de vie. Le système actuel leur offre l’assistanat ou l’abandon. Les Collectivités Autonomes (CA) proposent une troisième voie : l’intégration dans une communauté productive et autofinancée. Diverses dans leur gouvernance, leur encadrement et leur modèle économique, elles accueillent sans stigmatiser. On y entre librement, on en sort librement. Le travail y est obligatoire, l’entraide mutuelle, la dignité préservée.

2.6 — Voter autrement (VIII)

Le vote tous les cinq ans est un chèque en blanc. La démocratie en temps réel repose sur la révocation permanente : tout élu peut être destitué à tout moment si le seuil de défiance est atteint. Le vote blanc compte — il laisse des sièges vides qui votent contre. Le vote gris s’abstient. Le salaire des élus dépend de leur score. Le cumul des mandats est encadré. Le citoyen n’est plus spectateur entre deux élections : il garde la main.

2.7 — Les modalités du vote (IX)

Un système de vote fréquent exige une infrastructure adaptée. La carte d’électeur anonyme garantit que personne — pas même l’État — ne peut relier un vote à une identité. L’isoloir physique protège contre la coercition pour les scrutins à fort enjeu. Le vote en ligne, réservé aux référendums ordinaires, permet la participation sans noyer les citoyens. Chaque mécanisme est calibré selon le risque : protection maximale pour les personnes, praticité pour les projets.

2.8 — Le blocage budgétaire (X)

Un blocage budgétaire ne doit ni paralyser le pays, ni rester sans conséquence. Si le Parlement ne vote pas le budget, le précédent est reconduit avec une réduction automatique de 10% par an. Les impôts restent stables, la différence alimente un fonds de rattrapage. Après 12 mois, des élections sont déclenchées. Personne ne gagne à bloquer : le saboteur détruit les services dont ses propres électeurs ont besoin.

2.9 — L’impôt et le pouvoir (XI)

Les décisions budgétaires engagent l’argent des contribuables. Il est logique que ceux qui contribuent davantage pèsent davantage sur ces décisions. Le vote censitaire pondère le poids de chaque citoyen selon sa contribution fiscale réelle — avec un plancher (personne en dessous d’une voix) et un plafond (personne au-dessus de cent). Ce poids est dynamique : il évolue avec la situation de chacun. Et si un groupe tente d’en exploiter un autre fiscalement, les exploités paient plus d’impôts, donc gagnent du poids, donc peuvent renverser cette politique à l’élection suivante.

2.10 — La flat tax (XII)

Un impôt unique sur le revenu net, au même taux pour tous. Pas de tranches, pas de niches. Toutes les taxes indirectes sont abolies — TVA, accises sur l’énergie, taxes foncières, droits de mutation, taxes sur les assurances. Ces taxes régressives pesaient plus lourd sur les bas revenus : leur abolition représente un gain massif de pouvoir d’achat pour les ménages modestes (+16% du net pour un salaire de 2000€, contre +8% pour 10000€).

Les entreprises gagnent en compétitivité : les charges patronales disparaissent (les assurances sociales deviennent privées), ce qui réduit le coût du travail de 25-30%. Ce gain, combiné à la relance du marché intérieur par la hausse du pouvoir d’achat des ménages, crée un cercle vertueux de croissance.

Le patrimoine en tant que stock n’est pas taxé — seul le flux l’est. Les successions, donations et plus-values latentes sont libres. Les logements vacants sont incités à revenir sur le marché. Augmenter l’impôt requiert une majorité qualifiée au Parlement ; le diminuer est plus facile au Sénat. Le système penche naturellement vers moins de prélèvements.

2.11 — Deux chambres, deux logiques (XIII)

Toutes les décisions ne sont pas de même nature. Le Parlement, élu au suffrage censitaire, gère le budget, le gouvernement et les questions économiques — ceux qui paient décident. Le Sénat, élu au suffrage égalitaire, protège les droits fondamentaux et les questions sociétales — chaque citoyen pèse le même poids. Cette asymétrie est voulue : la résilience est placée là où les enjeux sont les plus graves.

2.12 — Qui entre, qui reste, qui vote (XIV)

L’immigration est gérée selon sa nature. Le Parlement fixe les quotas et critères économiques — c’est une question budgétaire. Le Sénat conserve un droit de veto pour les questions d’identité et de valeurs. Le droit d’asile, constitutionnalisé, relève du Sénat seul : le demandeur d’asile est traité exactement comme un citoyen dans la même situation — il entre dans le système d’assurances ou rejoint une Collectivité Autonome, sans aide spécifique, donc sans coût budgétaire supplémentaire. Les CA servent ainsi de vecteur d’intégration. La naturalisation et la déchéance de nationalité sont des questions sociétales. Le vote est réservé aux citoyens : la naturalisation est le seuil d’entrée dans la communauté politique.

2.13 — Rendre la justice au peuple (XV)

Les juges ne doivent être ni nommés par l’exécutif, ni cooptés par leurs pairs. Ils sont élus au suffrage égalitaire — la justice touche aux droits fondamentaux de chacun. Leurs mandats sont longs pour garantir l’indépendance, mais ils peuvent être destitués pour faute grave. La responsabilité civile existe, encadrée pour éviter la paralysie.

2.14 — Le Conseil constitutionnel (XVI)

Il faut une instance pour vérifier que les règles sont respectées, sans qu’elle devienne elle-même un pouvoir politique. Le Conseil constitutionnel est composé de quatre quarts : élus au suffrage direct, élus au suffrage censitaire, juristes tirés au sort, citoyens tirés au sort. Ses délibérations sont publiques, son rôle strictement procédural. Il vérifie le respect des règles, il ne les crée pas. Un veto mutuel des deux chambres peut renverser ses décisions.

2.15 — Les traités internationaux (XVII)

Un peuple qui ne peut pas dire non n’est pas libre. Les lois nationales priment sur les décisions supranationales. Tout traité peut être dénoncé par référendum. Les juridictions internationales rendent des avis, pas des ordres. La hiérarchie des normes est claire : constitution, puis lois, puis traités. La souveraineté populaire n’est pas négociable.

2.16 — Des partis vraiment démocratiques (XVIII)

Un parti qui prétend représenter le peuple mais fonctionne comme une monarchie interne est une escroquerie. Pour être reconnu, un parti doit élire son dirigeant au suffrage direct de ses adhérents, organiser ses investitures localement, accepter la révocation permanente de ses responsables, et garantir la transparence financière. Le vote interne est strictement égalitaire — l’argent ne doit pas donner du poids dans un parti. Une autorité indépendante contrôle le respect de ces règles.

2.17 — Cloisonner les risques (XIX)

Le système actuel est un bloc monolithique : quand un secteur s’effondre, il contamine les autres. Le système proposé modularise les risques. Chaque domaine — santé, chômage, retraites, éducation, Collectivités Autonomes — est encapsulé dans son propre mécanisme de financement. Les liens organiques entre domaines sont interdits. Les joint-ventures sont encadrées par des garde-fous stricts. L’actionnariat croisé est limité. La faillite d’un secteur ne fait pas tomber les autres. La résilience naît de la séparation.

2.18 — Le mille-feuille administratif (XX)

Communes, intercommunalités, départements, régions, État… Les niveaux se superposent, les compétences se chevauchent, les budgets s’entremêlent. Personne n’est vraiment responsable de rien. La solution : subsidiarité stricte (une compétence = un seul niveau), concurrence fiscale entre territoires, fusion volontaire par le bas, guillotinage réglementaire (toute règle expire et doit être explicitement renouvelée), interopérabilité obligatoire des administrations. Ce chantier reste partiellement ouvert — la transition devra inclure un grand ménage.

2.19 — Le chef d’État (XXI)

Tout système a besoin d’une figure d’unité au-dessus des clivages partisans. Mais cette figure ne doit pas avoir de pouvoir exécutif. Le chef d’État — président ou monarque selon l’histoire du pays — représente, facilite la formation des gouvernements, et dispose d’un seul pouvoir réel : déclencher un référendum. Le droit de grâce est encadré par un jury citoyen. Le système s’adapte aux traditions : république ou monarchie constitutionnelle, avec les mêmes garde-fous.

2.20 — La transition (XXII)

Comment démanteler un État obèse sans provoquer l’effondrement ? En posant le filet avant de couper. Les Collectivités Autonomes doivent être opérationnelles avant de réduire les dépenses publiques — les personnes qui perdent leur emploi ou leurs aides ont immédiatement une structure où atterrir. La transition est brutale, mais pas cruelle. La douleur sera courte si on l’assume franchement ; elle sera interminable si on la repousse.


2.21 — Les appendices

Les appendices fournissent les détails techniques, les calculs et les simulations qui fondent les propositions du manifeste.

Appendice A : Pourquoi “Libertarianisme Libertaire” ? — Origine et justification du terme. Ce n’est pas un oxymore : le filet social (les Collectivités Autonomes) est la condition de possibilité de la liberté économique.

Appendice B : Salaires et cumul des mandats — Mécanisme de calcul du salaire des élus en fonction de leur score, et règles de cumul entre mandats.

Appendice C : Calcul du poids censitaire — Formule mathématique du poids de vote selon la contribution fiscale, avec plancher (1 voix) et plafond (100 voix).

Appendice D : Logements vacants — Détail du mécanisme d’incitation : phases, paliers, règle anti-yoyo, suspension pour travaux. Ce n’est pas une taxe sur le patrimoine, mais une incitation à générer un flux taxable.

Appendice E : Jury de grâce — Composition et fonctionnement du jury citoyen qui encadre le droit de grâce du chef d’État.

Appendice F : Transition des pensions — Simulation complète du passage de la répartition à la capitalisation. Un simulateur modélise cette transition pour 7 pays européens. Résultats clés pour la Belgique :

  • Durée : 77 ans (dette publique remboursée en 28 ans, dette implicite des pensions soldée en 76 ans)
  • Tous les salaires sont gagnants dès le premier jour grâce à l’abolition des taxes indirectes
  • Gain au jour 1 : +142€/mois pour un salaire brut de 2000€
  • Gain final : +33% à +41% de pouvoir d’achat selon le niveau de salaire
  • Aucun mécanisme correctif nécessaire — le système est équitable sans entorse à la flat tax