APPENDICE H : CONSTITUTIONNALISER UN INDICE INCORRUPTIBLE
Référence : Chapitre XIII (La flat tax)
H.1 — Le problème : les indices de prix sont manipulables
L’abattement forfaitaire — fixé initialement à 500€ par mois — doit être indexé sur le coût de la vie réel. Ce montant sera ajusté par les simulations économiques, mais le mécanisme d’indexation doit être défini et verrouillé dès maintenant.
Mais qui calcule cette évolution du coût de la vie ? Et comment garantir que ce calcul ne sera pas manipulé par le pouvoir politique ?
Les gouvernements ont intérêt à sous-estimer l’inflation pour :
- Réduire les dépenses indexées (pensions, minima sociaux)
- Afficher une croissance réelle plus flatteuse
- Maintenir des taux d’intérêt artificiellement bas
Les méthodes actuelles sont vulnérables :
- Le panier de l’IPC est défini par des fonctionnaires
- Les pondérations sont choisies arbitrairement
- Les “ajustements hédoniques” peuvent être biaisés
- Les substitutions de produits masquent l’inflation réelle
Le MIT Billion Prices Project a démontré que les indices officiels sous-estiment régulièrement l’inflation réelle, parfois de plusieurs points [95].
H.2 — La solution : le Pseudo-Panier Dynamique (PPD)
Le PPD n’est pas une invention théorique. C’est la synthèse de trois techniques éprouvées, combinées pour créer un indice automatique, transparent et incorruptible.
Pilier 1 : Les indices chainés
Les indices traditionnels (Laspeyres) utilisent un panier fixe qui devient obsolète. Les indices chainés résolvent ce problème :
- Indice de Fisher : combine panier ancien et panier actuel
- Indice de Tornqvist : pondère par la moyenne des parts budgétaires
- Indices chainés : le panier change automatiquement chaque année
Le Bureau of Economic Analysis (BEA) américain utilise déjà des indices chainés pour le PIB réel [H2]. Personne ne choisit manuellement les pondérations — elles découlent des données.
Pilier 2 : Les données transactionnelles réelles
Au lieu d’enquêtes déclaratives, le PPD utilise les données de transactions anonymisées :
- Tickets de caisse (scanner data)
- Transactions bancaires agrégées
- Données des opérateurs de paiement
Statistics Netherlands est pionnier dans l’utilisation de scanner data pour calculer l’inflation [H3]. Le BLS américain expérimente également cette approche [H4].
Pilier 3 : La classification non supervisée
C’est la clé de l’incorruptibilité. Au lieu que des fonctionnaires décident quelles catégories de biens inclure dans le panier, un algorithme de clustering définit automatiquement les catégories à partir des données.
Techniques utilisées :
- K-means, DBSCAN pour le clustering
- Embeddings pour représenter les produits
- Aucune intervention humaine dans la définition des catégories
Les banques et fintechs (Visa, Mastercard, Revolut) utilisent déjà ces techniques pour classifier les dépenses de leurs clients [H5].
H.3 — Implémentations existantes
| Projet | Organisation | Méthode | Limites |
|---|---|---|---|
| Billion Prices Project | MIT | Scraping de prix en ligne | Pas institutionnel |
| Chain-weighted GDP | BEA (USA) | Indices chainés | Appliqué au PIB, pas au CPI |
| Scanner Data CPI | Statistics Netherlands | Tickets de caisse | Pas automatisé |
| Real-time Inflation | Banques centrales diverses | Transactions | Usage interne uniquement |
Aucun pays n’a encore institutionnalisé un PPD complet. Les raisons sont politiques, pas techniques :
- Cela retirerait aux gouvernements leur capacité de manipulation
- Les instituts statistiques protègent leur prérogative historique
- Constitutionnaliser un algorithme est révolutionnaire
H.4 — Formulation constitutionnelle proposée
Article X. — Indexation de l’abattement forfaitaire
L’abattement forfaitaire prévu à l’article Y est ajusté annuellement selon un indice de coût de la vie calculé par la méthode suivante :
Données sources : transactions anonymisées et agrégées provenant d’au moins trois opérateurs de paiement indépendants, couvrant au minimum 30% des transactions du territoire.
Classification : les catégories de dépenses sont définies par algorithme de classification non supervisée, sans intervention humaine dans le choix des catégories.
Calcul : l’indice est de type chainé (Fisher ou Tornqvist), recalculé mensuellement avec publication automatique.
Code source : l’algorithme complet est public, auditable, et exécutable par tout citoyen disposant des données agrégées.
Verrouillage : toute modification de cette méthode requiert une majorité des quatre cinquièmes dans chaque chambre.
Contestation : tout citoyen peut saisir le Conseil constitutionnel s’il estime que l’indice publié ne correspond pas à l’application de l’algorithme officiel.
H.5 — Objections et réponses
| Objection | Réponse |
|---|---|
| Vie privée | Les données sont agrégées et anonymisées. Aucune transaction individuelle n’est traçable. Seuls les totaux par catégorie sont utilisés. |
| Exclusion des paiements en espèces | L’échantillon n’a pas besoin d’être exhaustif, mais représentatif. 70% des transactions suffisent si elles sont correctement distribuées. |
| Complexité technique | Le code source est public. Des universités, ONG, et citoyens peuvent vérifier indépendamment les calculs. |
| Manipulation de l’algorithme | Le verrouillage aux 4/5 et la publication du code empêchent les modifications discrètes. |
| Loi de Goodhart (“ce qui est mesuré est manipulé”) | La classification non supervisée s’adapte automatiquement aux changements de comportement. |
| Bugs ou hacking | Plusieurs implémentations indépendantes doivent converger. Divergence = alerte automatique. |
H.6 — Pourquoi c’est révolutionnaire
Le PPD serait la première mesure économique véritablement scientifique inscrite dans une constitution :
- Reproductible : n’importe qui peut recalculer l’indice
- Falsifiable : on peut démontrer si le calcul est correct ou non
- Évolutif : le panier s’adapte sans intervention politique
- Incorruptible : aucun fonctionnaire ne choisit ce qui compte
C’est l’application du principe hypertarianiste libertaire : faire confiance aux données, pas aux institutions.
H.7 — Références
Les références [95] à [101] de la bibliographie générale documentent les fondements théoriques et empiriques du PPD.
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